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lundi 7 mars 2016

Homeland: Irak année zéro

La vie mode d'emploi

Il faut imaginer. Si tant est que le contexte importe. Un verre de vin dans la salle fumeur de la brasserie Barbès, les horaires du Louxor. Une forme d'acmé du parisien hip et low cost. Et la découverte, au seuil de la salle de cinéma, de la durée du premier volet. Trois heures plus tard, une couche de plus d'arrachée à cette cornée saturée qu'est celle du citoyen occidental. Il y a l'année, 2001/2002, ce moment où tout la terre regardait l'Irak sans rien y voir. Ce moment où chacun y allait de son avis. Et puis il y a le cinéma, puisque c'est là qu'en 2016 on revient sur ce lieu et ce temps qui ont fondé quelque chose de notre présent. 

Dans le premier volet, il y a, et c'est le plus incroyable, cet autre dont on parlait depuis des années et qui tout à coup existe sur l'écran. Cet autre il a une vie, mille visages et des rituels. Le thé. Il a des croyances presque cocasses: une serviette hygiénique en cas d'attaque chimique. Il a plusieurs âges et plusieurs conditions sociales. Il se matérialise dans le temps finalement très court du documentaire. Il attend et on attend avec lui. La guerre et les américains. Saddam. Les préparatifs. Les jeux. Le scotch sur les fenêtres qui vient renforcer celui qui s'abîme de n'avoir pas servi en 1993. Palimpseste du kitsch, épée de bois. Les espoirs de chacun, les yeux qui tournent autour de la caméra ou qui y plongent. Souvent ce sont ceux des enfants. Le lien de parenté entre les protagonistes et le cinéaste. Comme une façon très simple de dire qu'à l'endroit de l'évènement Irakien aucun dispositif n'est pertinent. On fait du cinéma avec ce qui est. Là, à portée de main. Il y a une urgence, même dans l'attente. Mais cette urgence n'enlève rien à la qualité cinématographique de ce qui nous est donné à voir. Déjà parce que le temps: 2002-2016. Aussi parce que le rythme. La télévision comme oracle aux alouettes. La ponctuation de cet écran dans l'écran. Le neveu si présent à la caméra, sa photogénie et sa vigueur. Le drame se dessine en ombre chinoise. L'annonce de sa future disparition. La sobriété. Et puis le rire, franc, qui vient au moment où le père d'une mariée partage son ivresse avec ses amis. Cette façon qu'a la distance entre le spectateur et le sujet du documentaire de se réduire à zéro à cet endroit. Cette façon qu'a ainsi le documentaire de permettre un accès à cet Irak, année zéro. Et la sagesse de chacun des protagonistes, leur humanité comme écho à la nôtre et comme rempart contre cette folie qui est dans l'écran de la tv et dans l'énormité des mensonges et du système. L'insoutenable beauté de certains paysages et de certains visages.

Le deuxième volet est tout autre. Si le premier était la vie contre tout. L'espoir. L'humain. La claque dans la face de tous ces préjugés enracinés dans nos êtres. Le deuxième est terrible. Les heures et les minutes sont lourdes. L'absurde mis au jour, tout est poussiéreux. Seul le neveu à mourir semble encore porter le film, capable d'espoir. Tout est plus réel et le cinéaste laisse voir ce qu'il avait laissé hors champs jusqu'à présent: la peur. La réaction de ses proches. Quelque chose de sa présence. C'est encore une leçon et encore du cinéma cependant. C'est le tragique et c'est banal et c'est la vie. A l'écran.

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