C'est un lieu d'exposition que 5 à 10 minutes de marche dans un paysage urbain des plus agréables sépare de mon domicile. C'est une merveilleuse structure métallique de briques aux baies vitrées et au café bienveillant. C'est aussi une librairie où l'on trouve du Hundertwasser à foison. Et je n'avais jamais dépassé le stade du constat: ceci est un musée.
Je crois que la notion même d'art brut m'angoisse. Un art sans normes? Un art imbécile et facile? Un art pour pédants et gauchisants? Un art si simple qu'il en est complexe? Un art absurde et bon marché? Un art idiot pour faire parler? Un art spontané inaccessible aux constipés de l'âme? Un art pour eux mais pas pour moi.
Mais hier, la queue devant l'entrée de Beaubourg était désarmante et la présence de P. encourageante. Il fallait tenter puisque je veux être armée pour 2011.
Je ne saurais dire si c'est la lecture de la notice de l'exposition ou la vue de la première oeuvre qui m'a ouvert le sphincter mais je me suis sentie vraiment bien. Les couleurs, les traits, la matière et la vie grouillaient tellement que le public ne prenait même pas la peine de se taire et le temps de faire des poses inspirées. D'ailleurs, ils ne s'arrêtaient même pas pour réfléchir, ce qui eut pour conséquence effroyable la disparition de ma gaité (par clôture du sphincter): "Ah non mais tu vois, là, c'est construit l'image. C'est d'ailleurs admirable pour leur état mental." Il faut préciser que le texte de présentation mentionnait bien la particularité des artistes "pour la plupart pensionnaires ou fréquentant des institutions pour handicapés mentaux." Il était donc, sinon évident, du moins probable qu'on ait droit à une sortie ou une pensée de la sorte, c'est comme un mécanisme de balancier dans le cerveau de toute personne ne fréquentant pas un asile: la comparaison. Si un dégénéré peut le faire, alors moi aussi. Ou alors. Si un dégénéré peut le faire, c'est parce qu'il est dégénéré, dommage collatéral de ladite dégénérescence, je n'ai donc pas à être jaloux mais simplement compatissant. Au final, je peux même sourire au miracle de la vie: les échecs trouvent une utilité. No waste et bientôt la fin de la faim dans le monde.
Cela dit, la bile n'a pas brûlé longtemps, les couleurs et les traits étant trop puissants, j'ai de nouveau été happée par un truc impossible à décrire et qui me donnerait presque envie de vous intimer l'ordre d'aller à la Halle Saint Pierre avant le 2 janvier bien que ce ne soit pas le propos ici.
Toujours est-il que ça décongestionne.
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