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dimanche 12 décembre 2010

Penn, Becher, Elysée by the Lake. Lausanne toujours.

"Le siècle de la technique uniformise et dépersonnalise de plus en plus l'individu dont il fait un type incolore; touchant un même salaire par catégorie, habitant les mêmes maisons, portant les mêmes vêtements, travaillant aux mêmes heures, à la même machine, cherchant ensuite un refuge dans le même genre de distraction, devant le même appareil de TSF, le même disque phonographique, se livrant aux mêmes sports, les hommes sont extérieurement, d'une manière effrayante, de plus en plus ressemblants; leurs villes aux mêmes rues sont de moins en moins intéressantes, les nations toujours plus homogènes; le gigantesque creuset de la rationalisation fait fondre toutes les distinctions apparentes."
Stefan Zweig, Sigmund Freud


D'aucuns prétendent que l'habit ne fait pas le moine et la mode est à la mort du travail. J'imagine que ce genre de généralité peut être une raison suffisante pour aller au musée de l'Elysée voir les expositions sur Irving Penn et sur Bernd & Hilla Becher. Tout comme le besoin de chaleur après une promenade dans le Parc Olympique à l'heure où le soleil se couche est un prétexte recevable. Cela dit, ce n'est pas ce que l'on retient de la visite. 

Déjà, Penn examine plus la répétition et la matière que le travail. Il est, à un certain degré, le Duchamp de la photo, cherchant le quart de millimètre qui fait toute la différence, la neutralité expressive et l'explosion des sens. L'Homme est-il derrière/à travers/dans le masque? Où commence l'Un, où finit le Multiple? Peut-on se contenter de dire que  le français est méfiant tandis que l'américain se pavane et que l'anglais assume, tout naturellement? Que nous dit la comparaison entre les légendes des trois Vogues: détaillée-personnifiée, détaillée-réifiée et vide? Et quand la visite se termine sur des détails de technique, de pellicule et de cadrage, peut-on vraiment parler de politique? Parce que le musée de l'Elysée a un parquet qui craque et que nous étions deux, synchrones, à fuir une guide aigüe et creuse dans un tango de l'oubli, parce que l'inconnu portait des converses noires et parce que nos trajectoires faisaient sens. Au final, la beauté du geste était dans la façon dont tous "les petits métiers" laissaient voir des hommes et des femmes ayant rompu des costumes à coup de sueur et d'habitude ouvrant la voie à la vie en infrarouge, entre une échelle et un tablier. 

Ensuite, la joie des imprimés Becher dans un sous-sol blanc éclatant, juste et sobre. Art, science, industrie et infini: la technologie et la généralisation éteindront-elle le génie d'un oeil neuf? Ou encore: qui de la poule ou de l'oeuf? Parce qu'entre le besoin, la fonction, le bâti et la pellicule, tant de mains se sont croisées. Mais quand ça palpite au dedans et que les lèvres s'écartent comme des paupières, que les yeux voient et que les mains se tendent on appelle ça aimer et il n'y a aucun autre Dieu à invoquer pour expliquer comment on passe d'un silo à une oeuvre. Il ne reste plus qu'à aller au lac. 


 

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