Ça faisait un certain temps qu’Almodovar et moi avions des
problèmes relationnels. Disons simplement qu’après Volver qui nous avait fait
chialer à trois, j’avais décidé que c’en était fini. Qu’il ne pouvait pas faire
autre chose. Surtout que pour le suivant, je m’étais littéralement endormie sur
une banquette du Mk2 Bibliothèque. Et puis, de passage à Périgueux avec mon
amie C., la possibilité d’aller voir son dernier. La Piel que habito. Un titre
que je ne retiens pas et que je n’arrive presque pas à comprendre tellement il
me renvoie à l’Autre.
En sortant de la séance, snob, je renifle. La gamine est
dépitée : le scénario n’était pas si complexe. Tout était plus ou moins
prévisible. L’esthétique est trop parfaite. Où est passé le joyeux bordel des origines ?
Reste que, sur le chemin du retour, je pense aux scènes de
viol. A la première : choc, et presque sourire pour tout te dire, de voir
enfin la chose traitée telle qu’elle est. C’est-à-dire qu’on pourrait tout à
fait imaginer un autre réalisateur, un autre homme – et même une autre femme –
pour raconter ce genre d’histoire sans mentionner le terme de viol, sans même y
penser. D’ailleurs, et c’est une autre raison pour laquelle je pense finalement me faire tatouer la piel
que habito sur l’intégralité de la mienne, la deuxième scène de viol pour le
coup, renvoie à une caricature du genre. Aussi vraisemblable que mon portrait
fait Place du Tertre, aussi révélatrice des excès du genre.
Je me suis donc endormie ce soir-là spectatrice frustrée et
femme soulagée. Un bon film politique.
Et puis bon, parce qu’on ne peut pas en rester là. Parce que
le film hante. Parce que les conversations sont nombreuses et toujours aussi propices
aux nouvelles lectures : je crois que j’ai découvert que j’aime ce film
bien plus que de raison. Déjà, autre parti pris politique, très almodovarien,
la question du genre. Et paf, dans ta face (des petits cœurs qui brillent dans
mes pupilles). Il balaie tous les arguments frileux d’un revers de la main et
te balance une vérité. Ensuite, il te dit, ok, scénario bidon. C’est-à-dire que
la question n’est pas là. Qu’il s’agit peut être de regarder comment des
personnages mis dans des situations quasi surnaturelles, un peu science-fictionnelles
réagissent. Qu’il s’agit d’ailleurs sûrement plus de ça que d’un divertissement
et que l’histoire est peut être le laboratoire où se développe une étude bien
plus intéressante que ma pauvre frustration.
Et là, tu te rends compte que c’est un film. Qu’il est ce qu’un
film doit être. Qu’il ne prétend pas plus. Que ce qu’il fait, il le fait à
merveille. Que tu voudrais faire ériger une statue à Almodovar, en guimauve et
en placenta. Avec une couronne de fleurs et ton amour éternel.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire