Je me suis souvent demandée comment quoi
penser devant des photos. Je veux dire, c’est une question qui me
taraude aussi devant des tableaux ou des sculptures mais c’est toujours
pire avec la photo. Et souvent, ça veut dire que ça ne me fait aucun
effet. J’ai donc décidé, depuis très longtemps, d’arrêter de chercher une réponse réfléchie : si incertitude, doute ou malaise alors, blâmer
l’artiste. Démarche binaire et réductrice mais ô combien rassurante pour
l’âme en peine blonde que je suis.
Hier, j’ai vu une exposition que je voulais voir depuis longtemps : Diane Arbus au Jeu de Paume.
Moi, depuis Claude Cahun, j’ai le cœur qui se met à avoir des
palpitations dès que j’approche le coin de la Place de la Concorde et de
la rue de Rivoli. Et hier, je me suis posée des questions. Pas tout
de suite, hein. Au début, j’étais emballée par l’idée que « A photograph
is a secret about a secret. The more it tells you the less you know. »
Et le freaky fascine un peu, quand meme. C’est au bout de la deuxième
salle que j’ai commencé à me poser des questions, rapport aux titres.
Pourquoi mettre l’accent sur le gloss de la dame alors que tout ce qui
ressort selon moi, c’est la lueur de désespoir qui cherche à prendre le
dessus dans son regard ? Pourquoi appeler sobrement « Groom kissing his bride
» une photographie qui fait mal à n’importe quel œil de femme ? La
question ici n’est pas de savoir si en réalité le mec déborde
d’excitation, s’il est maladroit et sa jeune mariée timide. On s’en
fout. Ce qui compte, et c’est ce que j’ai réalisé au bout d’un certain
temps, c’est l’ambiance. C'est-à-dire que j’avais souvent l’impression
d’avoir affaire à un miroir. Un miroir un peu méchant, qui ne laisserait
aucun échappatoire à certaines de ces pensées ; tu sais, celles qui ne
sont pas précisément source de fierté.
Reste que je suis sûre d’avoir croisé l’âme de Twin Peaks et celle de Duras. Ce qui m’a bien aidée à reprendre pied c’est sûr. Ensuite, quand j’ai vu la série Untitled,
j’ai un peu ri. Il faudrait être hypocrite pour faire autrement,
d’autant que nombreux modèles riaient eux-mêmes. J’ai aimé que les
photos soient toutes en extérieur. Je me suis demandé quel rapport
entretenir au modèle, en général. J’ai pensé que Diane Arbus
devait certainement être à la fois humble et forte. Capable de les
toucher tous et d’absorber à peu près tout dans cet appétit féroce qui
est la seule façon que j’ai trouvée de nommer sa vision.
Sa
vie, après, l’enchainement des bourses et les enfants. C’est ce qui me
plait le moins, chez tous. Cela dit, ses mots à elle : beaux et justes.
Presque frêles. Pas si loin de ses photos. Pas si loin, non plus, de sa
vie.
Diane Arbus, Child in a nightgown, Wellfleet, Mass. 1957
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