Le théâtre c'est une expérience complexe. On y va je crois pour se divertir mais avec un pacte, un acte de foi bien différent de celui qu'on a avec le cinéma ou la littérature. La littérature est d'ailleurs un bon élément de comparaison en ce qui concerne La Cantatrice Chauve parce que nombreux sont ceux qui l'ont étudiée au collège ou au lycée. C'est-à-dire lue ligne par ligne, mot par mot, retenant que l'horloge sonne souvent mais de façon irrationnelle et que ce couple qui nous est présenté comme un couple fait semblant de ne pas se reconnaître à moins qu'il ne s'agisse d'un jeu. Et peut être d'ailleurs que les personnages sont caricaturaux. Des marionnettes. A moins que ce ne soit moi le lecteur qui soit pris au piège de ces lignes auxquelles je ne comprends rien et qui ne me font pas rire alors qu'elles le devraient peut être mais les phrases sont courtes, brèves, sèches. Je n'y trouve pas le rythme. Les intonations. Ma lecture est neutre et molle. Pourtant Ionesco tout le monde aime Ionesco.
Hier quand je suis allée au Théâtre du Funambule, je me disais simplement que Lamarck est un quartier que j'aime beaucoup mais où je n'aime plus trop traîner et que c'était risqué comme ça d'aller voir une pièce majeure jouée par des jeunes si jeunes qu'on imagine mal qu'ils puissent avoir un quelconque recul. Hier j'étais snob. Et au début d'ailleurs je grince parce que j'aime pas ça l'idée d'avoir payé pour voir une pièce dont le comique me fait penser au théâtre de boulevard puisque moi j'aime pas ça le théâtre de boulevard c'est pas assez fin on s'emmerde on se croirait chez les ch'tis et la caricature me fatigue c'est pas drôle à la fin - sauf qu'en fait malgré moi je ris. Ils sont drôles. Leurs jeux sont pleins de variations. La pièce est comme une pièce du plaisir - on y voit les acteurs derrière les personnages mais en fait pas tellement, juste le temps de voir que les gens qui sont les acteurs prennent leur pied avec un texte dont ils explorent les nuances comme on se délecterait à exploiter tous les recoins d'un lieu dans lequel on se sentirait bien.
Et le public, contaminé. Les lèvres fendues d'un sourire indécrottable qui se transformait assez souvent en rire. Le public impliqué dans la pièce qui monte en puissance à chaque nouvelle scène, avec chaque nouveau personnage. Le public qui se tord de rire et dont les yeux brillent de se voir ainsi caricaturé. Parce que c'est ça à la fin, faut pas se tromper. On l'avait peut être mal lu dans le texte de la pièce et on a peut être des personnages pantins qui font des mimiques sur scène mais c'est de nous qu'on parle. De notre jeu social hypocrite, du jeu amoureux qui ne l'est plus dès qu'il est contextualisé, de notre propre personnage qui est ancré dans des données aussi limitatives que son genre et son statut - et qui ne sait pas trop comment s'en libérer.
Au final on oublie l'âge des gens sur scène, on oublie même qu'il s'agit de gens. On apprécie et on se marre. On se purge au rire gras. On a les zygomatiques qui nous lancent mais on sent rien parce qu'on est bien, tapis dans le noir, à se voir caricaturés comme ça sur une scène intimiste d'un petit théâtre de Montmartre. On y retournerait bien tous les soirs.
La Cantatrice Chauve
Compagnie Polycandre
Théâtre du Funambule
jusqu'au 28 octobre
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