On en avait vu la bande annonce avec E. et puis M. m'avait sensibilisée aux révolutions arabes. Ailleurs, une Louve m'intrigue et met en scène Pylade au Blanc Mesnil ce qui fait que la question du pouvoir et de la masse, de la vacance de pouvoir et de l'horreur, des limites du recevables ça me parle en ce moment. Oui, dans ce réseau de connexions improbables que structure mon cerveau au quotidien, il me semblait impossible de ne pas aller voir cet ovni. D'autant que le docu-fiction et la nouvelle vague britannique. Le réalisme social et le cynisme. Le rire qui sort des entrailles. La question de la vacuité et de l'importance du discours artistique. La mort de la pensée. La mort réelle de gens de chair et de sang, d'enfants de chair et de sang. Les questions toutes théoriques et aseptisées que ça soulève. Les questions toutes théoriques et aseptisées que la misère humaine et les marges soulèvent partout tout le temps dans l'équilibre digestif des biens pensants.
Il était 11 h 20 et j'étais coincée dans le coeur de Paris pour une raison improbable qui aurait été particulièrement comique si j'avais pu dormir avant. Et j'entends par là pas seulement la nuit d'avant. Il était 11 h 20 et j'avais déjà passé une heure avec un café accoudée à un comptoir, mon pauvre cahier à la main. A 11 h 20 le Mk2 Beaubourg jouait ce film que je voulais voir et qui avait le mérite de bercer mon oreille exténuée de sonorités maternelles et donc apaisantes.
C'est tourné entre 1966 et 1967 on voit. On y parle du Vietnam. On commence le propos avec une photographie en noir et blanc qui parle de douleur et d'innommable. C'est que la photographie est la meilleure ouverture de tous les vrais propos. La photographie est ici intolébrable et pourtant, elle ne me fait aucun effet. Je pourrais presque y lire une belle émotion. Il faudrait à ce moment là une note en bas de page redirigeant tous les spectateurs vers Regarding the pain of others de Sontag, histoire que la pensée qui s'est faite soit lue de temps en temps. Mais déjà être là et voir ce film. Brûler de vivre. Brûler dans le sang. Brûler littéralement le cul posé sur le velours rouge du fauteuil. Le film qui énonce la limite du cinéma et qui la transcende simultanément. La question de la tension entre vérité et fiction qui fait naître ce nouvel impact du sens. La question de la temporalité du film qui parle de ce qui maintenant est le passé mais qui résonne toujours autant et même mieux maintenant que c'est plus comme avant. Il faut le voir ce film. Pas pour le propos pour ou contre une guerre. Pour le grincement constant que ça fait dans tes dents et dans ton crâne. Pour le rire et les larmes. Pour les quelques propos cinglants qui te prennent à la gorge et te rendent incapable de faire autre chose que de penser au film une fois qu'il n'est plus.
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