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lundi 17 septembre 2012

Richter sa mère

Un jour, je te l'ai déjà racontée celle-là, j'ai cru que ça me ferait économiser de l'argent de prendre un abonnement bi-annuel à Beaubourg. L'idée première étant que Beaubourg est un bâtiment central et facilement accessible de Paris. Qu'il y a une librairie et parfois même des expositions qui en valent la peine. Avec ton pass d'abonné Beaubourg tu peux doubler toutes les files d'attente et te réfugier dans le hall bien chauffé dès que le vent souffle un peu trop sur l'esplanade. Je sais pas, ça me paraissait génial comme plan. Le seul hic avec la notion d'abonnement c'est qu'elle est liée à celle de rentabilité. Si je suis abonnée alors je dois voir au moins tant d'expositions par an pour avoir l'impression de n'avoir pas jeté mon argent à la poubelle (tandis que payer un taxi pour faire le tour de Paris avec 4 grammes d'alcool dans le sang c'est tout à fait pertinent, soit dit en passant).

Cet été en plus, Richter était sur toutes les lèvres. Humides, entr'ouvertes, toutes les bouches de Paris susurraient "Richter". Un jour en plein mois de juillet, j'avais failli y aller - puis 30 minutes d'attente à l'entrée de la salle m'en avaient dissuadée. Il avait donc fallu attendre un charmant jour de septembre. Un ami bien documenté. Une motivation sans bornes.

Une fois sur place je pipe rien. Des peintures de photographies. Brossées. Détournées. Retravaillées. Parfois jolies parfois moins belles mais paraît qu'on n'est pas là pour ça. Son premier tableau, 1962. Avant il les a tous brûlés. Son premier tableau c'est une table en gris, barbouillée de gris. Le commissaire d'exposition dit qu'on sent une certaine sensibilité au design italien. Des tableaux d'avions de guerre. Le commissaire d'exposition dit que Richter il a vécu la guerre. On sent qu'on va passer un bon moment.

Après on passe de la reproduction de merveilleux nuages à des photographies d'une ville détruite reproduites avec tellement de tâches qu'on ne discerne plus la ville. Au milieu, on comprend qu'il a dit merde à Duchamp à un moment: une histoire de grand verre. A moins que peut être il ne l'aime tellement qu'il ne décide d'explorer ce champ là et d'aller plus loin que le ready made. Et les gens qui circulent dans des effluves de Hermès. Le sourire fixé au lipstick.

Au moment où on entre dans la salle des abstraits des années 80, les trucs massifs qu'ont changé sa vie, orienté sa carrière, un catalogue nous attend sur un support conçu à cet effet. A côté du catalogue, un pauvre ipad. Et un gamin qui arrive en courant du haut de ses neuf ou dix ans. Qui dit "Et ça, papa, c'est un ipad?"

Et la pétasse qui te bouscule pour passer avec son mari et son gamin. Sortie culturelle de la semaine. Sac des Galeries à la Main. Et le connard qui pousse une vieille pour avoir un meilleur angle avec son 5D pour chopper la toile et les toits de Paris. Et le banc sur lequel il faut se poser pour ne frapper personne.

Alors après, peut être que c'était bien la salle des gris, les peintures intimes de la mère et de l'enfant. J'en sais rien. Je me suis cassée parce que j'aurais eu trop honte de pleurer devant ces gens-là.




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