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vendredi 25 janvier 2013

Tabou @ Mk2 Beaubourg

I call it art

"Je ne sais pas si je n'ai rien à dire, je sais que je ne dis rien; je ne sais pas si ce que j'aurais à dire n'est pas dit parce qu'il est l'indicible (l'indicible n'est pas tapi dans l'écriture, il est ce qui l'a bien avant déclenché), je sais que ce que je dis est blanc, est neutre, est signe une fois pour toutes d'un anéantissement une fois pour toutes (...) je ne retrouverai jamais, dans mon ressassement même, que l'ultime reflet d'une parole absente à l'écriture, le scandale de leur silence et de mon silence: je n'écris pas pour dire que je ne dirais rien, je n'écris pas pour dire que je n'ai rien à dire. J'écris." Perec, W ou le souvenir d'enfance. 

Quand G. m'avait parlé de ce film je n'avais pas bronché. J'avais eu envie parce que le portugais ça me rappelle le brésilien et la magie et Ipanema pour des raisons que je ne m'explique pas (au sens où il est difficile de se rappeler de choses que l'on ne connait pas). Et quand l'autre G. qu'a rien à voir m'a donné rendez-vous au Mk2 Beaubourg je n'ai pas réfléchi et pas fait le lien jusqu'à la porte de la salle quand j'étais essoufflée par mon retard. Les yeux un peu en l'air et l'affiche. Ah oui, ça. 

Moi tu sais l'amour. Non. Plus vraiment. Même si au fond quand même, forcément. Simplement je n'ai jamais vraiment cru à l'élitisme de l'être unique qui m'attend quelque part. C'est trop cruel comme idée parce que je me suis toujours dit que si tant est qu'en parcourant le monde j'avais la chance incroyable de le trouver ce mec parfait comme dans la Nuit des Temps de Barjavel et qu'il crevait ensuite je passerais mon temps à traîner un coeur sanguinolent triste à mourir à la surface du globe. J'ai des raisons de penser ça et de croire à la construction d'une histoire qui fait plus sens que le hasard tu vois. Surtout parce que comme ça, quelle que soit l'histoire que je vis j'en maîtrise un bout et je peux contribuer à son succès ou porter sur moi le blâme de son échec. Eventuellement apprendre à ne pas répéter certains traits. 

Un film qui me dit non c'est pas ça c'est une fois pour toutes gravé dans la pierre impossible marche arrière. Ouais merci. Très peu pour moi. C'est en tout cas ce que je me disais tandis que l'irritation de mon oeil gauche titillait mon canal lacrymal et inondait ma joue. Non. 

Sauf que si un film c'était ça, une prescription pour ou contre une croyance. Un discours au service d'une vision de l'amour. Mais ça ne l'est pas non. Dès le début non. C'est ce que la scène introductive qui nous rappelle à la fois la gestuelle d'un Chaplin et une certaine vision de l'humanité - femme sacrée et nègre animal - nous dit.  Que faire en effet de cet homme, conquérant bien malgré lui - et grâce peut être à un contexte historique? Voir en lui une figure du héros romantique? Oui. Et puis? Un héros qui se jette à l'eau pour se faire bouffer par un crocodile et ainsi se libérer du spectre de sa bien aimée mais qui en fait finira en excréments de crocodile tandis que sa bien aimée restera elle avec la bête, spectre un peu bêta. Un héros à peu près aussi cohérent qu'un personnage beckettien. Produit, prisonnier et résultat de l'absurde, cette donnée fondamentale et merveilleuse  de l'humain. Car, si le film est beau et bien construit et apparemment limpide comme une histoire d'amour assez forte pour faire verser une larme à un vieux Crocodile Dundee à la peau de cuir séchée comme son coeur de papi, il n'en est pas moins subtil. Comme la vie, justement. Dans ce qu'il ne dit pas. Ce qu'il ne peut dire mais qu'il révèle pourtant par son utilisation du son et de l'image. De l'exotisme comme prétexte au huit clos. De la surimposition des périodes historiques comme prétexte à la mise en abîme. Du désespoir et de l'amour comme prétextes à la folie. Il ne s'agit pas des mots et du récit, non, mais des gestuelles et des regards. Comme dans la vie. 


 

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