Creton on l'avait vu déjà coudre une photographie, fil blanc traçant trouant l'image. Il l'avait fait à l'écran, on s'était souvenus des Beaux Arts ou alors au moins des arts plastiques. Du contemporain. On se demandait et on se demande encore comment aborder la limite entre vie, posture, engagement, réalité du temps passé, paysage, territoire, personnes. Peut-être histoire de savoir à qui on accorde sa confiance, ou si on peut, si c'est possible ça, de n'être pas déçu. Il y avait eu plusieurs films, une forme d'excitation à se dire oui, trouvé pareil, alter: là. Existence tangible d'un être réel qui se pose des questions réelles de cinéma, de littérature, d'esthétique, d'humanité. Quelqu'un qui parle, me parle. Qui s'entend sûrement mais qui parle, qui ne s'écoute pas, ne se regarde pas. Quelqu'un qui aime et a foi, un minimum. Un homme dont les amis meurent. Une vie qui se donne.
Et puis Toto, avec un jeu sur le nom de la localité habitée qui rappelle, prononciation serrée, le nom d'un peintre du mouvement rocaille (coco) qui a emmené au moins deux fois ses toiles à Cythère. Tout ça pour dire les méandres. Et qu'il ne faut pas lire le synopsis, pas lire les interviews, pas hésiter mais voir. L'image en split screen qui fonctionne avec délicatesse, humour, suspens. La caméra DV qui capture toute l'ambivalence: ce qui nous lie, dont on ne se remet pas, que l'on ne sait nommer. Des habitudes très simples et puis le temps: rien n'évolue dans le geste, mais les ombres, au fil des saisons, tissent des histoires terribles. On ne sait jamais vraiment pourquoi le père claque sa fille ou bat son fils, on l'imagine. On le voit refuser ce qui est, et le temps de passer, imperturbable. Les singes dans ce film sont comme le temps: ils continuent de passer et nous font rire. Des singes et des chiens un marcassin et des hommes. Quelques femmes, quelques hommes, quelques fleurs et le règne animal. Aucune formulation distinguant la nature des êtres ne fonctionne: il n'y a que l'amour et la peur de mourir, de souffrir, d'être étouffé, de ne plus choisir. La peur des coups de feu, les cris des chasseurs, les lettres anonymes. Sensation très étrange: le murs portent moins qu'ils n'échangent. Les chats de se glisser partout, de parfois se laisser toucher.
Pierre Creton nous parle de ses choix, ne les explique en rien mais les raconte. Nous les offre comme on déposerait une gerbe de fleurs bien vraies, odorantes, prêtes à moisir mais encore là une seconde, pour témoigner. On ne sait pas pourquoi le lait mais ça marche. Et ce qui marche le mieux peut-être, ce qui reste, ce sont ses corps sous voiles de velours ou de lin, ces corps qui sont vrais et qui ne sont plus jeunes à qui l'on offre un droit, une chance, comme celle d'enterrer ses peurs tant qu'il ne fait pas noir. Histoire d'amour, récit de paix.
Bande annonce "Va, Toto !", de Pierre Creton from JHR Films on Vimeo.
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