Un été, Jean-Louis Schefer, qui considère la séparation horizontale entre le ciel et la terre avec le même étonnement que face à Moïse écartant la mer rouge, se retrouve filmé. Plutôt: un été au Portugal, Pierre Léon, cinéaste, se présente comme réceptacle de la pensé de Schefer face à l'objectif de Rita Azevedo Gomes. Ce même été, Jean-Louis, qui a les mains de mon père et le regard de sa mère, dit au sujet des gravures de la vallée du Côa, des choses qui sont justes comme: l'entremêlement fait sens, comme: profond dans la roche, comme: rite, comme: figure, comme: simple, comme: désir, comme: ce con d'Herzog. Schefer ne se fie pas au rêve: il regarde. Bosch nous présente des ponts, la tentation de Saint Antoine se dessine à la fin d'un siècle de crise profonde de l'Eglise, de peste, de violence. Elle est postérieure à la plupart des danses macabres dont il est assez évident qu'elles n'ont de danse que le nom, qu'elles se passent dans le désert, que s'y joue la limite, qu'y commence l'histoire quand elle s'écrit, qu'elles adressent le schisme de 1054, qu'il n'est écrit nulle part dans les textes sacrés que l'image est à vénérer et, à l'époque, personne pour déchiffrer le grec, c'est la culture latine qui domine. Jean-Louis Schefer dit des choses plus précises et plus fines, revient sur ressembler-remplacer, remonte au sacrifice et au mythe, admet que le sang de buffles a peut-être coulé, que la musique console comme rien, que l'image garde les affects. Il n'entend pas, ne dialogue pas: pense. Quelque chose d'inhumain dans la machine ramassée sur elle-même, concentrée sur le chemin (et non le plan) qui se trace, qui est à trouver, entre l'inconfortable étincelle de l'idée et l'horizon.
Trois personnes et puis plus, c'est indécis, un film qui s'admet monté, s'exhibe même dans l'écriture qui rejoue et rend compte d'un réel qui ne l'est pas tout à fait, qui ne l'a pas été, qui a pourtant capté quelque chose des musées, quelque chose des repas, quelque chose encore des pas d'hommes et de femmes que l'on sent très fragiles et dont on se demande s'ils ne sont pas des monuments tant ils contiennent d'efforts à penser le temps. De la bouche sort comme une somme de ce que l'humain ferait, des réponses à ce qu'il est, des peurs aux racines fines. De la même bouche est énoncée, hors champ, la seule vérité quant à l'art préhistorique: c'est-à-dire que son essence est d'être toujours contemporain à l'oeil qui le rencontre. De cette bouche alors, autour de cette bouche, commence un culte et qui n'est pourtant rien que le miroir, la conscience très nette d'une majesté d'être humain.
C'est un film qui ressemble à un film de vacances avec un vieux qui radote et qui coupe la parole, qui regarde la caméra, qui croise les jambes, qui fume perpétuellement et qui réclame du vin. C'est un film de malaise, presque maladroit. C'est un film qui accueille et qui répare, presque un film espoir.
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